©https://tangentin.wordpress.com

D’une minorité visible à l’autre. Why being black helps me not to care (too much) when people are watching

Depuis que vous avez commencé la chimio :

• On vous remarque dans l’espace public ?
• Vous êtes identifié à votre maladie (« tu sais, la femme qui a un cancer ») ?
• Une partie de votre histoire (médicale) devient publique ?
• Les gens vous questionnent sur votre maladie ?
• Les gens ne vous questionnent pas sur votre maladie, voire essayent de faire comme s’ils ne la remarquaient pas, parce qu’ils ont peur d’être indiscrets ?
• Face à l’attitude bizarre d’un inconnu (soit un rejet injustifié, soit une gentillesse excessive) vous vous demandez si c’est à cause de votre maladie ?
• Les gens vous parlent spontanément de personnes de leur entourage qui ont un cancer ?
• Si vous cherchez des produits de beauté ou des sous-vêtements adaptés à votre nouveau corps, il y a des risques que vous n’en trouverez pas dans les magasins « normaux ». Vous êtes obligé(e) de vous tourner vers les magasins spécialisés ?

                                                            ↓↓↓
Bienvenue, vous faites désormais partie d’une « minorité visible »* !

Remplacez « la maladie » par « origine » et vous aurez l’expérience de millions de Noirs et d’Asiatiques en Europe. Remplacez « la maladie » par « taille » et vous aurez l’expérience de millions de personnes de petite taille.
Car le cancer c’est aussi ça : Ne pas faire partie de la norme. Ne pas avoir un corps neutre. Ne pas pouvoir cacher sa différence.
Le maquillage et les perruques peuvent atténuer la différence physique imposée par la maladie et les traitements, mais souvent ne peuvent l’effacer complètement. Nombreux(ses) sont les patient(e)s qui souffrent d’être exposé(e)s aux regards… Je me considère chanceuse de ne pas en faire partie. Non parce que ces regards ne me dérangent pas, mais parce que j’ai eu trente ans pour m’y habituer. Née à une époque où il n’y avait pas encore beaucoup de Noirs et de Métis au Luxembourg**, j’ai rapidement appris ce que c’était que de ne pas pouvoir me fondre dans la masse. Peut-être que c’est pour ça qu’aujourd’hui cela me pose moins de problèmes de sortir sans perruque, ni foulard, voire sans maquillage quand je suis pressée (Ce qui ne veut pas dire que je m’en fiche complètement). Les gens regardent – et alors ? ils ont toujours regardé***. Je suis passée d’une minorité visible à une autre. Et même si les regards qu’on me jette ne sont plus du tout les mêmes (je découvre les regards remplis de compassion p.ex.) j’ai appris à les supporter.
Alors pour ceux qui vivent cette condition de « hors norme » pour la première fois, voici une bonne nouvelle : cette expérience absolument déstabilisante est aussi enrichissante. Elle nous force à nous interroger sur les « normes », elle nous permet de mieux nous mettre à la place d’autres personnes qui en sont exclus, et c’est un entraînement pour apprendre à mieux assumer toutes nos autres différences – des différences souvent moins visibles que la perte de cheveux, mais finalement beaucoup plus essentielles pour célébrer l’être unique qu’on est.

* Personnes issus d’une minorité qu’on reconnaît aisément comme telles à travers leurs traits physiques
** Le simple fait que mon père, noir, et ma mère, blanche, se soient mariés leur a valu un article de journal
***Même si évidemment à Paris, les gens regardent moins que dans une ville de Province

—-

©https://tangentin.wordpress.com
Paperthin © tangentin.wordpress.com (for more of these wonderful drawings, check out https://tangetin.wordpress.com

——————————————————————

Since you began chemo :

• You get noticed in public spaces
• People identify you with your illness (« you know, that woman who has cancer »)
• Part of your (medical) history turns public
• People ask you about your illness
• People don’t ask, or even try to do as if they didn’t notice your illness, because they don’t want to be rude.
• When people you don’t know act strangely (being rude or being excessively nice) you wonder if it’s because of your illness.
• People tell you about other people they know who have cancer too.
• If you’re looking for cosmetics or underwear that fits to your new body, there’s a big chance you won’t find anything in « normal » shops and that you have to turn towards « specialized shops »
                                                    ↓↓↓
Welcome, you are now part of a « visible minority »* !

Replace « illness » by « race » or by « where you come from » and you’ll get the experience of millions of Black and Asian people in Europe. Replace it by « size » and you’ll get the experience of millions of « little people » (suffering « dwarfism »).
Yes, part of the cancer experience is also not being part of the norm. Not having a neutral body. Being different and having no chance to hide it.
Even if cosmetics and wigs partly hide this visible difference, many cancer patients suffer from being exposed to the gaze of people. I guess I’m lucky I don’t. Not because I don’t care about people watching, but because I had thirty years to get used to it. Born in a country, where thirty years ago there were not many black and biracial people**, I quickly learned I couldn’t melt into the crowd. Maybe that’s why today I don’t bother too much (but still a bit) about going out without wearing a wig, a scarf or even make up when I’m in a hurry. People are watching – well, they always were.*** I just slipped from one visible minority to another. Even if the way people are looking is not the same anymore, I learned not to care too much.
So, for those who experience the fact of being watched in public space for the first time, here’s the good news. This experience also makes you richer. It forces you to question the « norms », it makes you more emphatic towards other people who are considered « different » and, last but not least, it’s a wonderful training to learn how to own and embrace your other differences – those that are less visible than the loss of hair, but that are so much more important because they make you unique.

* members of a minority that you can easily recognize by their physical features)
**In 1986 a Luxemburgish newsletter published an article about the simple fact that my white mother and my black father got married.
***Even if in Paris people aren’t looking that much anymore

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s