On m’avait avertie que l’après-cancer serait difficile. On m’avait parlé du « cancer blues », de la difficulté des personnes en rémission à reprendre la cadence d’une vie qui n’est plus rythmée par les rendez-vous médicaux. On m’avait parlé de la solitude des ex-patients face à leurs peurs de rechute… Mais on ne m’avait pas dit, qu’il y a des jours où on est tellement perdue qu’on regrette le temps des traitements, non pas parce que c’était tellement gai d’avoir des nausées, mais parce que pendant les traitements, on savait ce qu’on voulait (guérir) et qui on était (une malade/fighteuse). On ne m’avait pas dit, qu’il y a des nuits où on se sent tellement lasse de la vie qu’on craint le matin à venir et qu’à ce mal-être s’ajoute immédiatement la culpabilité de se plaindre alors qu’on est vivante. On ne m’avait pas dit, qu’il y a des moments où on attend impatiemment les rendez-vous de contrôle avec l’oncologue, non pas pour qu’elle nous rassure, mais pour qu’elle nous prescrive des antidépresseurs. Et on ne m’avait surtout pas dit, que tout ça c’était normal.
Jusqu’au jour où j’ai rencontré Cécile Reboul, la fondatrice de SKIN, une association qui met en relation des personnes touchées par le cancer et des artistes. Ancienne malade d’un cancer du sein, elle m’a affirmé que « c’est au moment où ton entourage est persuadé que tout est derrière toi, … qu’en réalité, tout commence ». Tout, c’est-à-dire la prise de conscience de ce qu’on a traversé et de ce qu’on a perdu dans la bataille. Tout, c’est également l’apprentissage de la vie après le cancer et la reconstruction d’un nouveau moi, puisqu’« on n’est plus la personne qu’on était avant le cancer et qu’on n’est pas encore celle qu’on sera après ». Une reconstruction forcément difficile, parce qu’après avoir été constamment accompagnée et entourée pendant la maladie, on se retrouve soudain seule face à soi-même. Cécile a connu cette étape de mue, donc de fragilité. C’est finalement grâce à un projet de photographie réalisé avec une photographe professionnelle qu’elle s’est relevée. « Cette mise à distance de l’image, ce lien à l’artiste, m’a permis de me ré-inventer» se rappelle-t-elle. A travers cette expérience, elle a découvert le rôle qu’un artiste pouvait jouer dans le processus de reconstruction des malades : « L’artiste est celui qui donne au malade le droit d’avoir mal et cela est essentiel pour sa guérison. (…) L’artiste est celui qui est là (pour la personne malade ou en rémission), qui lui donne du temps, qui lui donne de l’écoute et qui la reconnecte à la vie, qui la reconnecte à elle-même. »

Forte de son expérience, elle crée, en 2012, SKIN, une association qui relie d’(anciens) malades de cancer à des artistes. Ceux-ci se constituent en binômes et créent, ensemble, une œuvre artistique ou une performance. Ces créations/performances peuvent tourner autour du cancer ou autour de sujets complètement autres ; les binômes créent en toute liberté et selon les modalités qui leur conviennent. Les patients sont libres d’élaborer les projets avec leur binôme-artiste, d’en être seulement les muses ou de mettre la main à la pâte ; l’essentiel est la rencontre et la possibilité pour l’(ex) malade de lâcher prise et d’être créatif. C’est ainsi que, depuis cinq ans, grâce à SKIN, des (ex)malades sont monté(e)s sur scène avec des danseurs, ont chanté avec des cantatrices d’opéra, ont réalisé des cahiers de dessins avec des dessinateurs, ont créé des parfums avec un « nez » professionnel, ont fait des projets de photos, de sculpture, de street art, d‘écriture, de création de bijoux, de design, de stylisme et même de crochet… Ces projets sont montrés dans des théâtres, des lieux prestigieux, ou exposés dans des galeries, avant d’être pris en photo et diffusés dans les hôpitaux. « C’est un temps de consolation, de co-création et de reconstruction de soi. La patiente devient actrice de sa reconstruction à travers des expériences de dépassement de soi. » constate Cécile.
Cette année, SKIN a créé des binômes entre six femmes touchées par le cancer et des humoristes. Ces femmes ont non seulement écrit les saynètes, elles vont également monter sur les planches pour les jouer aux côtés de comiques confirmés le 9 octobre, lors de la soirée « Elles se lâchent » au théâtre des Feux de la Rampe. Pour se dépasser, pour se reconnecter à la vie, pour montrer qu’après le cancer on peut vivre et rigoler et surtout pour nous faire rire, – le tout au profit de l’association SKIN. Du coup en attendant ma prescription d’antidépresseurs, j’y cours, j’y vole ! Le cancer blues n’a qu’à bien se tenir !
Pour les patients, les artistes et potentiels donateurs intéressés par SKIN, faites signe à Cécile ! associationskin.org/contact//a>
I knew time after cancer would be hard. I knew about the « cancer blues ». I knew about the feeling of being lost in that after-cancer-life that isn’t organized around the rhythm of medical appointments anymore. I knew about the loneliness, the sword of Damocles and the fear of it. But I didn’t know, it was that hard. I didn’t know that there would be days, where I’d be so lost that I would miss treatment, not because it was so fun to feel like you’d throw up all day long, but because during treatment I knew what I wanted (to beat cancer)- and who I was (a patient and a fighting girl). I didn’t know there were moments I’d feel tired of life and in the same time feel utterly guilty for complaining. I didn’t know that I’d wait impatiently for the appointment with my oncologist, not only because I want her to reassure me, but because I want her to prescribe me antidepressant drugs. And I certainly didn’t know that these feelings were normal.
But then I met Cécile Reboul, a breast cancer survivor and founder of SKIN, an organization, that brings together (ex)patients and artists. She told me that “it’s actually when you have finished treatment, when everyone thinks your life is back to normal, that everything starts”. It’s the moment when you suddenly realise what you have been through, and what you lost on the battlefield, it’s the moment when you have to reinvent a life after cancer and build a new “me”, because “you are nor the person you were before cancer, nor the one you’re going to be after cancer neither”. That period of self-reconstruction is hard, because unlike during treatment, when medical staff is constantly around and you have a bunch of friends supporting you, you are basically alone with yourself. (Even if your friends try to help, they can’t rebuild your life for you.)
Cécile experienced that difficult period, but she was able to get over it, thanks to a project she realised with a photographer. That project didn’t only help her to re-invent herself, it also made her realise which role artists could play in the reconstruction of cancer survivors: “It’s the artist that gives the (ex) patient the right to feel pain and that’s extremely important for his healing process. (…) The artist offers the person his time, he listens to her, he helps her reconnect with life and with herself.”

Empowered by her experience of reconstruction through art, she founded SKIN in 2012. The organization brings together artists and people affected by cancer, it makes them form artistic couples and create a piece of art or a performance together. The (ex)patient can elaborate and co-create the project with the artist or be his muse; what matters is the human encounter and the possibility for the patient to let go and be creative. Thanks to SKIN, people affected by cancer all over France, Belgium and Québec have been dancing with professional dancers, singing with opera singers, created perfumes with a perfumer. They have done projects around photography, street art, sculpture, jewelry, stylism, design, writing and even crocheting. “Through the experience of pushing back their own limits, they take an active part in their reconstruction” Cécile Reboul says.
This year, SKIN brought together six women affected by cancer and stand-up comedians. The women wrote their own comedy acts and they are performing them with prestigious comedians in Paris during a « comedy show » on October 9th. To push back their own limits, to prove there’s life and laughter after cancer and to share it with the audience. So, while I’m waiting for my antidepressant drugs, I’m going to see that show and laugh the cancer blues out of my mind!
For the patients and artists interested by SKIN, get in touch with Cécile! associationskin.org/contact//a>